lundi 13 juin 2011

Medianeras, les fissures citadines


Medianeras c'est un peu la surprise du cinéma de l'ailleurs, celui dont on n'entend jamais parler, que l'on n'attend pas et qui, quand on le voit, vous marque, et trace en vous comme le sillon d'un petit bonheur précieux.

Buenos Aires, trois millions d'âmes et combien d'errantes. La ville, les tours, les lignes, les horizons, les ombres, les immeubles, les câbles, les façades, les striures, les antennes, les fissures, combien d'histoires intérieures, de soupirs, de silences couvés gorgés de tristesse?

Martin et Mariana, deux quotidiens hagards, faits de petits riens et de profonds échos. Deux naufragés, au bord de la noyade, lentement, dans l'isolement, la douleur d'un incertain avenir. Dans un film de parallèles, les vies s'écoulent au gré des rencontres par défaut, des contacts plein d'espoir, des souvenirs malheureux, des illusions éparses et bientôt essoufflées. Dans la ville aux lignes étranges, aux immeubles tristes, deux êtres perdus cherchent un sens, une direction.

Etouffée par une lourde résignation qui insidieusement scelle votre avenir, la gorge noueuse, serrée, espère encore.
Martin vit dans sa stratosphère geek, pleine de l'optimisme éteint, déclinant, de l'enfant qui résiste encore. Mariana, prise dans les méandres du besoin de l'autre, danse et valse avec ses pantins mannequins, valse et danse et tombe et pleure, dans son besoin de l'autre qui l'accable, se réveille tous les soirs, chavirant, sous les envolées funèbres et tendres d'un invisible voisin dont le piano martèle sa vie, et fait résonner.

Pilar Lopez De Ayala et Ines Efron irradient l'écran. La génération post crise incarnée pose la question de la soumission panique, de l'espoir adolescent, innocent, de la colère individuelle et de la perdition des êtres dans les sociétés urbaines, dans les cités solitaires où par delà l'entassement se superposent des orphelins.

Médianeras, les murs mitoyens, encore une histoire d'êtres perdus, en transition. Plus rugueux et tendre, plus mélancolique, plus gris et minéral, et peut être aussi plus sincère qu'un Sofia Coppola, c'est un regard gorgé d'interrogations.
Toujours en balance entre la ligne grise d'un immeuble et l'azur lumineux, Medianeras nous balade entre le sourire et le cafard, et agréablement surpris par ce film venu d'ailleurs, on ressort heureux, apaisé, gorgé d'espoir.