Ça y est, une nouvelle vie vient de commencer pour beaucoup de petits, de moyens et de grands. A l'aune de l'enfance, de l'adolescence, tout commence à la rentrée, tout se termine à la fin des vacances. Mais ça y est, septembre a sonné, c'est le début, la reverdie.
On a préparé son cartable, son sac à dos - à la hâte ou en avance. Tout dépend de l'ennui déployé pendant les vacances, de l'envie de revoir les copains, de la peur d'y retourner. Tout dépend de l'élève.
Les crayons sont taillés, les stylos au garde à vous, prêts à faire jaillir l'encre fixatrice dans une éructation de capuchons et de bouchons. Le savoir n'a qu'à bien se tenir. Des billes, des plumes, des premiers prix ou des rolls royce du "plein et délié", ils sont là, ou n'y sont pas, c'est selon l'élève. Le consciencieux, le pressé, le tête en l'air, le martyrisé de l'école, l'angoissé, le dilettante, l'abandonniste. Quels qu'ils soient ils seront là, forcés ou non, au tableau ou sur une feuille, à essayer de grandir, d'apprendre un peu plus, et de muer, tout doucement vers un âge où tout est différent.
A chacun ses crayons, à chacun son angoisse de la rentrée, à chacun ses chagrins d'école. Ne craignez rien, parents, écoliers, étudiants, on grandit toujours, malgré soi.
Alors voilà, quoi de mieux en ce début d'année (prenons le point de vue de ceux qui retournent sur les bancs trop durs de l'école), qu'un livre sur l'école, sur les élèves, sur cette période de vie où l'on doit s'empiffrer de savoir, de leçons, de livres, de cahiers et de classeurs. Parlons donc des chagrins d'école, de celui de Daniel Pennac.
Stop! Ce n'est pas un livre sur l'école, dira-t-il, c'est un livre sur le cancre. "Sur la douleurs de ne pas comprendre et ses effets collatéraux sur les parents et professeurs". C'est dit.
En un livre ou presque, voilà le cancre réhabilité, on le voit différemment, déshabillé de sa nullité. A bas le bonnet d'âne, à bas ces "je n'y arriverai pas", à bas ces "tu le fais exprès", sus au "je suis nul, j'aurai toujours zéro", au diable tous ces oripeaux qui pèsent comme une enclume. En un livre, et du haut de sa vie de professeur, riche de ses milliers d'élèves, Pennac décortique les rouages qui font que "ça bloque", que "ça ne s'imprime pas". Lui, l'enfant dysorthographique, l'amnésique de service a été sauvé. Aujourd'hui il écrit. Rien n'est donc jamais joué d'avance.
A travers le cancre, les angoisses de l'enfance, quelles qu'elles soient. Les peurs de cours, les chagrins d'amour, les tyrannies parentales ou professorales, les divorces. Par ce cancre, pauvre acteur-alibi et sujet d'analyse de ce livre, commencent les méandres de ces chapitres, denses et serrés, passant de autobiographie à l'essai. Des souvenirs de professeur, magnifiques, touchants, secouants, qui parlent de l'angoisse ou de l'indifférence de "devenir" lorsqu'on est enfant, de la responsabilité incroyable des professeurs face à ces petites bouilles, ces têtes en friche et dont il faut cultiver les sillons comme un jardin à faire fleurir. Il en va du reste de leur vie.
Doucement, on glisse, on parle technique. Pourquoi donc ces renoncements? Pourquoi ces abandons péremptoires et itératifs, résumés en quelques mots :"je n'y arriverai jamais", "je m'en moque"? Assaut grammatical, explication technique, on dissèque le y, on trucide le en. On découvre les maux cachés sous les mots, à pourrir la tête des petits, des moyens ou des plus grands. La grammaire est parfois salvatrice, oui, oui.
Et Pennac, de raconter ses plus beaux moments de professeurs, les pires aussi. Les réussites, les élèves sauvés, les classes - difficiles ou non -, qui peu à peu, se mettent à comprendre la richesse des mots, des textes. Un miracle dans chaque et pour chaque élève qui comprend, des centaines de miracles par classe et par an. Des millions par année. Comprendre, au sens latin, c'est précieux. C'est prendre avec soi quelque chose, un peu de savoir, pour le reste du chemin. Mais il y a aussi les défaites, les échecs de ceux qui sont restés, malgré tout, derrière, en marge. Avec, autour de ces souvenirs d'élèves, la pesanteur de tragédies.
Mais pardon, cet article est déjà trop bavard, les vacances furent trop longues (piaffant Comité de la Cuillère). Disons, pour conclure scolairement - car à chaque discours sa clôture, à chaque rédaction sa fermeture, à chaque dissertation sa conclusion, n'est ce pas? - disons donc que rarement le comité n'aura si peu eu envie de finir un livre, de le refermer, définitivement.
Malgré quelques passages faciles et démagogiques, c'est un précieux. On revit quelque chose, on se souvient. Par lui reviennent des comptines oubliées, des poèmes appris par cœur, des bons souvenirs (les copains, les fous rires, les bonnes notes), des cauchemars enfouis (les bulles, les heures de colle, les moments de honte scolaire). Sauf qu'à l'heure où l'adulte lit ces pages, il est devenu.
A tous les petites et moyens, si vous lisez ce livre, voyez combien vous pouvez. A tous les grands, à tous les parents, lisez ce livre, et repensez la condition du cancre, de l'élève, de l'enfant (du professeur aussi). En cette rentrée de septembre, ils en ont tous besoin.
Pour le petit, chacune des années à venir vaut un millénaire ; à ses yeux son futur tout entier dans les quelques jours qui viennent.
Lui parler de l'avenir, c'est lui demander de mesurer l'infini avec un décimètre.
Dans la société où nous vivons, un adolescent installé dans la conviction de sa nullité est une proie.
Pour que la connaissance ait une chance de s'incarner dans le présent d'un cours, il faut cesser d'y brandir le passé comme une honte et l'avenir comme un châtiment.
Une année de scolarité fichue, c'est l'éternité dans un bocal.
On a préparé son cartable, son sac à dos - à la hâte ou en avance. Tout dépend de l'ennui déployé pendant les vacances, de l'envie de revoir les copains, de la peur d'y retourner. Tout dépend de l'élève.
Les crayons sont taillés, les stylos au garde à vous, prêts à faire jaillir l'encre fixatrice dans une éructation de capuchons et de bouchons. Le savoir n'a qu'à bien se tenir. Des billes, des plumes, des premiers prix ou des rolls royce du "plein et délié", ils sont là, ou n'y sont pas, c'est selon l'élève. Le consciencieux, le pressé, le tête en l'air, le martyrisé de l'école, l'angoissé, le dilettante, l'abandonniste. Quels qu'ils soient ils seront là, forcés ou non, au tableau ou sur une feuille, à essayer de grandir, d'apprendre un peu plus, et de muer, tout doucement vers un âge où tout est différent.
A chacun ses crayons, à chacun son angoisse de la rentrée, à chacun ses chagrins d'école. Ne craignez rien, parents, écoliers, étudiants, on grandit toujours, malgré soi.
Alors voilà, quoi de mieux en ce début d'année (prenons le point de vue de ceux qui retournent sur les bancs trop durs de l'école), qu'un livre sur l'école, sur les élèves, sur cette période de vie où l'on doit s'empiffrer de savoir, de leçons, de livres, de cahiers et de classeurs. Parlons donc des chagrins d'école, de celui de Daniel Pennac.
Stop! Ce n'est pas un livre sur l'école, dira-t-il, c'est un livre sur le cancre. "Sur la douleurs de ne pas comprendre et ses effets collatéraux sur les parents et professeurs". C'est dit.
En un livre ou presque, voilà le cancre réhabilité, on le voit différemment, déshabillé de sa nullité. A bas le bonnet d'âne, à bas ces "je n'y arriverai pas", à bas ces "tu le fais exprès", sus au "je suis nul, j'aurai toujours zéro", au diable tous ces oripeaux qui pèsent comme une enclume. En un livre, et du haut de sa vie de professeur, riche de ses milliers d'élèves, Pennac décortique les rouages qui font que "ça bloque", que "ça ne s'imprime pas". Lui, l'enfant dysorthographique, l'amnésique de service a été sauvé. Aujourd'hui il écrit. Rien n'est donc jamais joué d'avance.
A travers le cancre, les angoisses de l'enfance, quelles qu'elles soient. Les peurs de cours, les chagrins d'amour, les tyrannies parentales ou professorales, les divorces. Par ce cancre, pauvre acteur-alibi et sujet d'analyse de ce livre, commencent les méandres de ces chapitres, denses et serrés, passant de autobiographie à l'essai. Des souvenirs de professeur, magnifiques, touchants, secouants, qui parlent de l'angoisse ou de l'indifférence de "devenir" lorsqu'on est enfant, de la responsabilité incroyable des professeurs face à ces petites bouilles, ces têtes en friche et dont il faut cultiver les sillons comme un jardin à faire fleurir. Il en va du reste de leur vie.
Doucement, on glisse, on parle technique. Pourquoi donc ces renoncements? Pourquoi ces abandons péremptoires et itératifs, résumés en quelques mots :"je n'y arriverai jamais", "je m'en moque"? Assaut grammatical, explication technique, on dissèque le y, on trucide le en. On découvre les maux cachés sous les mots, à pourrir la tête des petits, des moyens ou des plus grands. La grammaire est parfois salvatrice, oui, oui.
Et Pennac, de raconter ses plus beaux moments de professeurs, les pires aussi. Les réussites, les élèves sauvés, les classes - difficiles ou non -, qui peu à peu, se mettent à comprendre la richesse des mots, des textes. Un miracle dans chaque et pour chaque élève qui comprend, des centaines de miracles par classe et par an. Des millions par année. Comprendre, au sens latin, c'est précieux. C'est prendre avec soi quelque chose, un peu de savoir, pour le reste du chemin. Mais il y a aussi les défaites, les échecs de ceux qui sont restés, malgré tout, derrière, en marge. Avec, autour de ces souvenirs d'élèves, la pesanteur de tragédies.
Mais pardon, cet article est déjà trop bavard, les vacances furent trop longues (piaffant Comité de la Cuillère). Disons, pour conclure scolairement - car à chaque discours sa clôture, à chaque rédaction sa fermeture, à chaque dissertation sa conclusion, n'est ce pas? - disons donc que rarement le comité n'aura si peu eu envie de finir un livre, de le refermer, définitivement.
Malgré quelques passages faciles et démagogiques, c'est un précieux. On revit quelque chose, on se souvient. Par lui reviennent des comptines oubliées, des poèmes appris par cœur, des bons souvenirs (les copains, les fous rires, les bonnes notes), des cauchemars enfouis (les bulles, les heures de colle, les moments de honte scolaire). Sauf qu'à l'heure où l'adulte lit ces pages, il est devenu.
A tous les petites et moyens, si vous lisez ce livre, voyez combien vous pouvez. A tous les grands, à tous les parents, lisez ce livre, et repensez la condition du cancre, de l'élève, de l'enfant (du professeur aussi). En cette rentrée de septembre, ils en ont tous besoin.
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Pour le petit, chacune des années à venir vaut un millénaire ; à ses yeux son futur tout entier dans les quelques jours qui viennent.
Lui parler de l'avenir, c'est lui demander de mesurer l'infini avec un décimètre.
Dans la société où nous vivons, un adolescent installé dans la conviction de sa nullité est une proie.
Pour que la connaissance ait une chance de s'incarner dans le présent d'un cours, il faut cesser d'y brandir le passé comme une honte et l'avenir comme un châtiment.
Une année de scolarité fichue, c'est l'éternité dans un bocal.
Daniel Pennac, Chagrin d'école.
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