Taillée dans un nid de tempêtes, La route de McCarthy est sûrement née par un jour de grand vent.
Quand le ciel reste obscur et que l'on marche dans la rue, plié en deux, encapuchonné, prêt à se réfugier n'importe où, guettant le moindre brise-vent ou l'abri le plus proche. Vous riez dans le vent, c'est tellement drôle d'être "à contre-vent", de ne plus savoir comment avancer, faire marcher ses pieds. On est tellement loin de "l'homme" et du "petit". On n'a pas l'estomac démoli par la faim, le corps rongé par le froid, et l'esprit au bord du désespoir.
L'histoire, le comité ne vous en dira guère plus que ceci : imaginez le Radeau de la Méduse, faites-en un livre, ajoutez-y un enfant et une nuée de cauchemars vivants autour de vous.
Alors seulement peut-être, vous vous approcherez de "La route". Et notez ceci : avant de partir, Dieu et Satan ont fermé boutique, emportant le Bon, le Bien, le Juste et le Mal dans leur dernier baluchon. Voilà le tableau, rapidement brossé, de ce à quoi il faut vous attendre.
Au fil des pages, vous vous enfoncerez dans l'odyssée des deux derniers hommes errant sur une terre qui n'est plus, mais sur laquelle il faut survivre, allez savoir pourquoi.
D'un côté, l'homme, dernier de son espèce, qui veut dessiner sa dernière illusion avant de s'éteindre. Alors il esquisse. Il s'agit de laisser sur terre le dernier "gardien du feu", le dernier vestige de ce qui s'appelait avant l'humanité. Et l'homme qui s'illusionne et raconte des histoires pour faire passer les cauchemars. De l'autre côté, il y a l'enfant. Prophète lucide, presque muet, mais qui possède les dernières clés de la parole, de la mémoire, de la culture. Deux derniers hommes dans un monde de ténèbres éternels.
Le style de McCarthy vous arrachera les yeux. Les landes de mort envahissent les phrases, taillées dans des restes de tôles rouillées. Les mots sont précis et se suivent par deux ou trois, claudiquants et farouches comme les personnages. Perdus dans de petits paragraphes secs. Poèmes en prose de mort et de la faim. Partout des phrases pleines de cendre, sans bavardage, bouleversantes d'aridité. Et les quelques mots échangés entre les "personnages". Sans jamais vouloir s'appeler dialogue, ils ressemblent aux derniers galimatias d'une humanité qui oublie la parole, mais la célèbre une dernière fois, avant de la voir s'éteindre à jamais. Pas de bavardage. Pas de longs échanges. Toujours ces kilomètres qui s'enchaînent sur des routes de cauchemars et de mirages. On avance dans le livre comme ils avancent vers le sud, sans trop savoir pourquoi, mais parce qu'il le faut. Car l'apocalypse est une "révélation", l'auteur, en sondant les recoins de l'âme humaine, nous fait vivre dans ses mots les derniers jours du monde. Et l'homme, l'insoutenable cruauté de l'homme. Certaines scènes, décrites avec ces phrases qui coulent, avancent, rapides, trottantes, vous soulèvent le coeur, vous retourneront la tête. Et vous y croirez, car vous saurez que c'est possible. Ecrites simplement, vous y verrez le visage odieux de la dernière humanité qui s'écorche, se dévore et se consume. Des créatures pour qui les histoires, les mots, les valeurs ne sont plus rien, pas même de rupestres peintures. Le monde les a balayés, et n'a laissé partout que de la cendre.
Oeuvre d'un nouveau millénaire, avec ses peurs, ses angoisses, la projection de la fin, La Route, loin des Anciens, des mondes bucoliques, des rêves de cocagne, nous promet une fin sans Dieu, sans paradis et sans enfer, car plus rien n'existe, sinon la cendre, la pluie, le froid. McCarthy, sûr de sa vision, nous offre le paysage d'un monde, à venir.
La fin vous étreint, vous noue le ventre, vous serre la gorge. Il n'y a rien qu'on ne pressente déjà, dès les premiers mots, rien qu'on ne prévoie depuis la première page. Mais on a l'impression en fermant le livre de perdre sa propre histoire, sa propre fin, son propre monde, son propre père, sa propre vie. Le sanglot monte ciller vos paupières, car vous perdez un monde qui pourra bientôt devenir le vôtre.
Quand le ciel reste obscur et que l'on marche dans la rue, plié en deux, encapuchonné, prêt à se réfugier n'importe où, guettant le moindre brise-vent ou l'abri le plus proche. Vous riez dans le vent, c'est tellement drôle d'être "à contre-vent", de ne plus savoir comment avancer, faire marcher ses pieds. On est tellement loin de "l'homme" et du "petit". On n'a pas l'estomac démoli par la faim, le corps rongé par le froid, et l'esprit au bord du désespoir.
L'histoire, le comité ne vous en dira guère plus que ceci : imaginez le Radeau de la Méduse, faites-en un livre, ajoutez-y un enfant et une nuée de cauchemars vivants autour de vous.
Alors seulement peut-être, vous vous approcherez de "La route". Et notez ceci : avant de partir, Dieu et Satan ont fermé boutique, emportant le Bon, le Bien, le Juste et le Mal dans leur dernier baluchon. Voilà le tableau, rapidement brossé, de ce à quoi il faut vous attendre.
Au fil des pages, vous vous enfoncerez dans l'odyssée des deux derniers hommes errant sur une terre qui n'est plus, mais sur laquelle il faut survivre, allez savoir pourquoi.
D'un côté, l'homme, dernier de son espèce, qui veut dessiner sa dernière illusion avant de s'éteindre. Alors il esquisse. Il s'agit de laisser sur terre le dernier "gardien du feu", le dernier vestige de ce qui s'appelait avant l'humanité. Et l'homme qui s'illusionne et raconte des histoires pour faire passer les cauchemars. De l'autre côté, il y a l'enfant. Prophète lucide, presque muet, mais qui possède les dernières clés de la parole, de la mémoire, de la culture. Deux derniers hommes dans un monde de ténèbres éternels.
Le style de McCarthy vous arrachera les yeux. Les landes de mort envahissent les phrases, taillées dans des restes de tôles rouillées. Les mots sont précis et se suivent par deux ou trois, claudiquants et farouches comme les personnages. Perdus dans de petits paragraphes secs. Poèmes en prose de mort et de la faim. Partout des phrases pleines de cendre, sans bavardage, bouleversantes d'aridité. Et les quelques mots échangés entre les "personnages". Sans jamais vouloir s'appeler dialogue, ils ressemblent aux derniers galimatias d'une humanité qui oublie la parole, mais la célèbre une dernière fois, avant de la voir s'éteindre à jamais. Pas de bavardage. Pas de longs échanges. Toujours ces kilomètres qui s'enchaînent sur des routes de cauchemars et de mirages. On avance dans le livre comme ils avancent vers le sud, sans trop savoir pourquoi, mais parce qu'il le faut. Car l'apocalypse est une "révélation", l'auteur, en sondant les recoins de l'âme humaine, nous fait vivre dans ses mots les derniers jours du monde. Et l'homme, l'insoutenable cruauté de l'homme. Certaines scènes, décrites avec ces phrases qui coulent, avancent, rapides, trottantes, vous soulèvent le coeur, vous retourneront la tête. Et vous y croirez, car vous saurez que c'est possible. Ecrites simplement, vous y verrez le visage odieux de la dernière humanité qui s'écorche, se dévore et se consume. Des créatures pour qui les histoires, les mots, les valeurs ne sont plus rien, pas même de rupestres peintures. Le monde les a balayés, et n'a laissé partout que de la cendre.
Oeuvre d'un nouveau millénaire, avec ses peurs, ses angoisses, la projection de la fin, La Route, loin des Anciens, des mondes bucoliques, des rêves de cocagne, nous promet une fin sans Dieu, sans paradis et sans enfer, car plus rien n'existe, sinon la cendre, la pluie, le froid. McCarthy, sûr de sa vision, nous offre le paysage d'un monde, à venir.
La fin vous étreint, vous noue le ventre, vous serre la gorge. Il n'y a rien qu'on ne pressente déjà, dès les premiers mots, rien qu'on ne prévoie depuis la première page. Mais on a l'impression en fermant le livre de perdre sa propre histoire, sa propre fin, son propre monde, son propre père, sa propre vie. Le sanglot monte ciller vos paupières, car vous perdez un monde qui pourra bientôt devenir le vôtre.
2 commentaires:
J'aime ton article.
Et je me demande à quoi peut bien ressembler le "poème en prose de la mort et de la faim" à l'origine de la scène du film tournée dans le sous-sol de la fameuse maison...
AAAhh!
Je le lirai cet été. En plein jour! :-)
Ah, que tu parles de 'La Route' avec beauté !
Oui, c'est vraiment l'œuvre d'un nouveau millénaire... Que lire, ensuite ? Ce livre vous retourne les tripes, vous éparpille la raison et les sentiments en 1000 morceaux pour vous laisser seul face à l'extrême nudité de l'être. A lutte primitive pour la vie. A la eur de la disparition.
Et à l'absence de mots assez justes pour décrire cette sensation qui vous enserre dès la première page...
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