Révolutionnaire sonore du XXe siècle, poète acoustique, précurseur du « spoken word soul » dans les années 60 qui influencera quelques années plus tard les débuts du rap et du hip hop, Gil Scott-Heron était dans les années 70-80 l’un des artistes qui résumait au mieux la condition noire américaine, de part sa verve, son activisme lyrique, et ses positions politiques.
Malheureusement la mort de sa mère, la consommation de cocaïne et de crack, l’alcool, et l’univers carcéral le plongèrent dans un cercle vicieux qui musela durant une décennie bien sombre cette icône de la musique.
Aujourd’hui resurgi d’entre les ombres après avoir écumé les tribulations que peuvent être celles de la vie d’un homme, il nous livre avec I’m new here une ultime perle musicale, intimiste et noire, qui semble épouser sous un certain brouillard de bas fonds les formes ambiguës et charnelles de la rédemption.
Cet album que certaines critiques ont qualifié de blues « post-modern » ne dure que trente minutes, alternant des passages de pure poésie et morceaux musicaux. Il rejoint sous beaucoup d’aspects les premiers enregistrements de l’artiste, mais ce dernier ne s’adresse plus aux foules, il ne s’adresse plus à la fierté noire, il s’adresse à lui-même, à son âme brisée par le désert.
Le vrai tour de force de cette production est en fait de mettre ce vétéran américain en proie à la délivrance dans un univers musical tantôt d’avant-garde, de sonorité moderne, tantôt de pure soul où chancelant du haut de ses 60 printemps, Gil Scott-Heron frappe encore le fond de l’oreille d’une rhétorique maîtrisée, et toujours acérée.
« Me and the Devil » cristallise en ce sens cette nouvelle démarche musicale. Trois minutes et trente trois secondes, soit un demi-Lucifer, d’une ambiance sombre et angoissante, faite de chaînes et de barreaux entrechoqués, où la voix de Gil Scott Heron rencontre la magie du clavier de Damon Albarn (Gorillaz, The Good, the Bad and The Queen) sur un papier peint par les tribulations d’un junkie.
Concrètement, cet album est un objet sonore qui vibre d’une manière unique et sur lequel on mérite de s’y attarder tant l’univers musical est humain, poignant. Si l’artiste y trouve ici une manière de se repentir d’un passé sombre et sans fierté, il trouve aussi le temps d’expliquer à une jeune génération que les monstres sacrés ne meurent
jamais et ont encore bien des leçons à donner tant sur le plan du salut musical que sur la vie en général.
Let the poet speak...
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