Oui ! oui ! oui !
Je vous vois venir cher lecteur, trainant les savates à l'idée que cet article ressemblera à tous les autres. Non ! non ! non! rien à voir avec le barbant reportage des JT! Lisez un peu...
Vous pensez tous connaître Monet. Alors certes, on a tous en tête quelques uns de ces chefs d'œuvres impressionnistes, des Nymphéas par-ci, la cathédrale de Rouen par là, peut-être le Parlement suspendu dans un sfumato de fog. Oui mais non! passées les marines normandes, et quelques toiles de gare, force est de constater qu'on a jamais vu dans sa vie qu'une petite, toute petite, trop petite, trentaine de Monet, principalement les toiles d'Orsay ou du Louvre.
Peut mieux faire franchement.
C'est justement pour réparer ce trou béant qui entache notre quête esthétique que le Grand Palais, avec tout le tintouin qui va avec, a rassemblé pour la première fois depuis 30 ans l'ensemble des toiles du monsieur à grande barbe. Presque 200 tableaux éparpillés dans une exposition qui sait où elle va et ce qu'elle veut montrer. Toujours réticent?
Alors oui, avouons-le sans détours, il vous faudra braver les sinueuses (sillonneuses) files d'attentes, supporter les longues heures à piétiner sous le ciel d'automne, à écouter malgré vous le joueur de clarinette qui ne s'arrête jamais. Entre nous, soyez patient. Et si vous êtes malin, réservez.
Car voilà, une fois passé ces (maigres) désagréments, non seulement vous découvrirez enfin Monet, mais vous aurez tout le privilège (partagé avec vos centaines d'amis d'expo) de vous envoler pour un incroyable voyage dans le temps, l'espace et la peinture. Pas mal hein?
Vous replongerez dans ce monde inconnu, beau, brut, et dont les mutations estompées en fond de toile annonçaient déjà notre ère industrieuse. Vous redécouvrirez ce 19e siècle, vu par les yeux d'aucun, et vous contemplerez au delà de l'œuvre, l'éclatante beauté de ces lieux silencieusement encapsulés.
Au début, vous tâcherez surtout de courir après toutes les toiles que vous n'avez jamais vues, et qui reposent désormais au delà de l'Atlantique, ou à Londres, à St Gall, à Zürich, à Cambridge... Vous passerez indolemment devant la Venise magique, et vous penserez à Marcel. Échauffé par ces premières toiles, vous partirez gaiement jouer des coudes pour plonger du haut de la Manneporte ou de la falaise de Pourville. Géronimooooo ! Non vous vous tiendrez bien, vous êtes dans une expo.
Au bout d'une heure, un peu las de serpenter parmi vos semblables excités devant la moindre toile (que vous êtes snob), vous ferez une petite pause devant le champ de tulipes, et là vous penserez enfin comprendre Monet, son credo esthétique, le sens de chaque touche et l'amour de chaque nuage. Ayant vu la lumière, ragaillardi, vous saisirez le souci des séries, le besoin de capter d'une heure à l'autre les déclinaisons insoupçonnables des atmosphères. Alors oui, toutes ces théories sur les effets, vous les connaissiez, mais vous n'aviez jamais compris comme aujourd'hui ce que signifie ces cinq meules, ces peupliers, ces cathédrales, ces plans toujours esquissés puis recommencés de Belle Île, de Varengeville, de Giverny ou d'Argenteuil.
Étourdi par tant d'images, tant de lieux, les yeux un peu fatigués par les légendes, vous vous appuierez contre un mur, sous les yeux méfiants des gardes-tableaux. Vous jetterez innocemment un regard sur la légende de la toile la plus proche, et là, comme la petite phrase de Vinteuil, la magie poétique de la toponymie vous bercera, et vous susurrerez ces noms comme une comptine ensorcelante. Giverny, Argenteuil, Vétheuil. Grisé, un peu mélancolique, vous contemplerez ces fantômes d'espaces qui ne sont plus. Ces campagnes désormais bétonnées, ces coquelicots désormais trottoirs. Peut-être.
Au bout du dernier couloir, vous vous retournerez une dernière fois pour embrasser par ces toiles la fuite du temps. Et vous resterez là, ému et immobile, face à un bras de Seine, un effet de neige, heureux d'avoir patienté, piétiné. Titubant de fatigue et de couleurs, vous vous dirigerez alors vers la sortie. Devant la librairie bondée, vous presserez un peu le pas, et vous soupirerez à l'idée de ne pouvoir prendre un café avec Paul, sa palette et sa barbe.
Étourdi par tant d'images, tant de lieux, les yeux un peu fatigués par les légendes, vous vous appuierez contre un mur, sous les yeux méfiants des gardes-tableaux. Vous jetterez innocemment un regard sur la légende de la toile la plus proche, et là, comme la petite phrase de Vinteuil, la magie poétique de la toponymie vous bercera, et vous susurrerez ces noms comme une comptine ensorcelante. Giverny, Argenteuil, Vétheuil. Grisé, un peu mélancolique, vous contemplerez ces fantômes d'espaces qui ne sont plus. Ces campagnes désormais bétonnées, ces coquelicots désormais trottoirs. Peut-être.
Au bout du dernier couloir, vous vous retournerez une dernière fois pour embrasser par ces toiles la fuite du temps. Et vous resterez là, ému et immobile, face à un bras de Seine, un effet de neige, heureux d'avoir patienté, piétiné. Titubant de fatigue et de couleurs, vous vous dirigerez alors vers la sortie. Devant la librairie bondée, vous presserez un peu le pas, et vous soupirerez à l'idée de ne pouvoir prendre un café avec Paul, sa palette et sa barbe.
1 commentaire:
Première fois que je tombe sur un article sur Monet qui ne soit pas pompeux :) Et les tableaux, toujours aussi beaux :)
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