samedi 20 février 2010

"Toutes les femmes sont..."



Alfred de Musset.
Poète, dramaturge et mémorialiste de la jeunesse de son temps. Musset, l'homme du "Mal du Siècle" (1). Si la postérité n'a principalement retenu de lui que sa Confession d'un enfant du Siècle et quelques une de ses pièces (Les Caprices de Marianne, On ne badine pas avec l'amour, Lorenzaccio), sa poésie - malgré toute la critique de Rimbaud le Voyant (lui reprochant de n'avoir pas assez fait exploser son génie) - reste une oeuvre à découvrir et à redécouvrir.

Sensible, élégiaque, affûtée par les sentiments, aigüe, pleine de cris, de sanglots et de rêves un peu fous, elle livre le portrait intérieur de l'homme romantique. Toujours adolescent, homme enfant, aimanté par le besoin d'un amour véritable et incommensurable. Et les femmes... amies et amantes, maitresses et mères, Muses. Elles sont pour Musset le premier sujet poétique.

Lisez les Nuits, le poème à Ninon, l'élégie bouleversante de Lucie... trouvez-vous un petit recueil des Poésies Nouvelles et vous sentirez toute l'amplitude de la palpitation romantique.

Parfois mutin, parfois chagrin, Musset est un poète qui sait aussi jouer des formes et des tons, installer des clins d'oeil, piquer de sa rime des caractères fats et vaniteux. (Avouons que lui même n'en est pas toujours exempt)

Le comité vous présente, non pas son poème le plus beau, encore moins son poème le plus célèbre, mais l'une de ses pièces les plus simples, de celles qui vous restent dans la tête parce qu'elles semblent vous sourire (du haut de leur belle mauvaise foi). On y sent l'amant rejeté, le débauché trahis, un peu amer. Et en filigrane la femme courtisane et courtisé, libre et impératrice en son royaume... pour le plus grand malheur d'Alfred.

A Mademoiselle

Oui, femme, quoi qu'on puisse dire
Vous avez le fatal pouvoir
De nous jeter par un sourire
Dans l'ivresse ou le désespoir.

Oui, deux mots, le silence même,
Un regard distrait ou moqueur,
Peuvent donner à qui vous aime
Un coup de poignard dans le coeur.

Oui, votre orgueil doit être immense,
Car, grâce à notre lâcheté,
Rien n'égale votre puissance,
Sinon, votre fragilité.

Mais toute puissance sur terre
Meurt quand l'abus en est trop grand,
Et qui sait souffrir et se taire
S'éloigne de vous en pleurant.

Quel que soit le mal qu'il endure,
Son triste sort est le plus beau.
J'aime encore mieux notre torture
Que votre métier de bourreau.

Alfred de Musset,

(1) Voir la Confession d'un enfant du siècle

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