samedi 22 janvier 2011

Cracks, symphonie noire et sensuelle

Certains films, découverts par hasard, sont d'une surprise parfois douloureusement ravissante.
Cracks est de ceux-là.


Cracks est la première adaptation-direction de Jordan Scott, fille de Ridley Scott, nièce de Tony Scott. Comme Sofia Coppola, elle semble vouloir elle aussi emprunter la périlleuse voie du succès des "filles à" (nous en avions déjà parlé
ici).


Derrière le conformisme de sa forme - le topos du film de pensionnat britannique -, Cracks surprend par un tissage méticuleux de tons, de thèmes, de dissonances.
Lentement préparés, doucement déployés, Cracks compose ses stridences dans un va-et-vient de basculements et de paliers.
Alors certes, des thèmes convenus, mais une architecture propre, efficace, une écriture à la fois simple et prenante, une musique à la fois sobre et subtile, une interprétation sincèrement brillante, une photographie léchée et prometteuse.

Cracks nous livre l'histoire d'un huit clos haletant où l'adolescence évanescente s'étouffe et se brise sur les douleurs de l'âge adulte, trouble et maudit. C'est une histoire d'amour, d'amitié, une histoire de jalousie, de haine et de folie. Une histoire sur l'ivresse des promesses, sur les horizons de l'existence, sur la noirceur des destinées. Cracks lève le voile sur ces nymphes envoûtantes et dangereuses. Captives et captivantes, naïves comme un livre de Sade.
Certes, tous les thèmes classiques semblent avoir été listés, questionnés, traités. Du triangle amoureux désir triangulaire, aux références proustiennes sur l'envie, la jalousie, en passant par l'hommage très évident à Diderot, à la ressemblance avec le Cercle des Poètes Disaparus, pour le moins troublante, on finit par éviter de les compter au risque de ne plus vraiment se laisser séduire.
Car ce que l'on retient, c'est que malgré tout, les fils lentement, méticuleusement tissés, révèlent une composition séduisante, juste et troublante.

L'excitation nous taille les nerfs, la vicieuse envie du dénouement nous enivre. On sait, mais l'on suit, avec le délice de la fascination.
Dans l'espace clos où tout aveugle, où les sons s'étouffent, où les consciences s'éteignent, Cracks joue sa petite musique terriblement noire et sensuelle. Au creux des douleurs cachées, les secrets enserrent des monstres difformes et déchirés.
La contemplation de leur laideur, de leur ambiguïté laisse en nous une amertume des plus délicieuse, saupoudrée de ce quelque chose qui erre furieusement entre l'amour, la folie, l'innocence et le désespoir.

Et par dessus tout... ne regardez surtout, mais surtout pas la bande annonce, elle vous gâcherait tout.

1 commentaire:

Luzycalor a dit…

Je n'en avais pas entendu parler mais tu me donnes franchement envie de le découvrir. L'histoire me plaît. En plus : la fille de Ridley Scott. Humm, curiosité quand tu nous tiens.