samedi 6 mars 2010

Ravel, sublime lecteur... Ondine, féerique lecture...



Ravel n'est heureusement pas qu'un boléro...


D'ailleurs ce boléro, tant de fois acclamé, tant de fois écouté, réécouté, commence, dans sa grandeur, à perdre de son lustre. C'est peut être la malédiction des choses trop aimées...

Ravel, compositeur sublime, est aussi un artiste attentif, curieux, alchimiste. Les œuvres qui l'entourent, il s'en nourrit et les aspire jusqu'à expulser de son sein une lecture grandiose.

Ravel, ce lecteur.
Mallarmé, Poe, Baudelaire... mais aussi Perrault et Aloysius Bertrand. Ravel est l'un des rares artistes à avoir - avec tant de sensibilité et de virtuosité - correspondu avec les plus grands esprits littéraires.

Prenez cette si belle "Ondine", de Gaspard de la Nuit, Aloysius Bertrand.

- " Écoute ! - Écoute ! - C'est moi, c'est Ondine qui frôle de ces gouttes d'eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.

" Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le
triangle du feu, de la terre et de l'air.

" Écoute ! - Écoute ! - Mon père bat l'eau coassante d'une branche d'aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d'écume les fraîches îles d'herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne ! "


*
Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt pour être l'époux d'une Ondine, et de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs.

Et comme je lui répondais que j'aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s'évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus.

***


Ces appels de sirène, son charme taquin. Voyez l'apparition hallucinante de cette fée, reine des gouttelettes et des carreaux. Vision poétique, fantastique: la féerie des Contes revient nous hanter lors des nuits humides.

Ceci étant fait... glissez-vous maintenant dans l'oreille de Monsieur Ravel, et relisez Ondine avec ses propres yeux...



Les correspondances, prenez le mot comme bon vous semble, sont magnétiques, touchantes. Le ton est sincère, les accents sublimes. La technique et l'écriture, les effets, tout concourt à placer entre les œuvres une passerelle invisible, et pourtant brillante.


Le comité de la Cuillère

PS: parce qu'on aime à se remémorer nos jours enfantins du haut de nos yeux nostalgiques, voici comment Ravel nous raconterait l'histoire de la Belle au Bois Dormant, piano ou orchestre, qu'importe l'instrument pourvu qu'on ait l'ivresse du conte et la féerie de l'enfance...







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