dimanche 22 mai 2011

Tree of life, visions d'harmonie

Terrence Malick est un homme discret, qui prend son temps. Une filmographie courte. Des films puissants. Le réalisateur a encore une fois marqué de son empreinte cette année cinématographique. Quoi qu'on en pense.

Après douze mois de retard au montage, Tree of Life est enfin sorti. Le cinéaste aura mis près d'une décennie avant d'achever le scénario, et de passer de la contemplation à la réalisation.


On y retrouve les grands thèmes malickiens, ses tropismes, ses signatures: la nature mère et magnétique, la lumière qui enveloppe, le plan parfait qui sublime, la voix qui conduit, la musique qui embrasse. Avec un regard plus mobile, et englobant, plus sensible, Malick a évolué.
Alors oui, certains s'agacent devant ce maniérisme jugé abusivement esthétique, confinant au snobisme intellectuel. Oui mais voilà. Malick n'est pas un cinéaste comme un autre, et quitte à ne faire qu'un film tous les 7 ans, autant qu'il soit marqué par le sceau, l'envie d'une perfection saisissante. Et Malick, professeur de philosophie, ancien de Harvard, d'Oxford, du MIT, ne place pas dans la mission du cinéma le divertissement, mais la nécessité d'un bouleversement intérieur qui interroge. Voilà qui est dit.

Plus que jamais, Malick aura pris son temps pour tisser ce film somme, ce film fresque, ambitieux au risque de nous perdre, et lui même de s'égarer - oui c'est vrai. Embrasser dans une symbolique puissante l'histoire du monde et de l'humanité, voilà deux heures et demie exigeantes. Longues pour certains (souvent quelques imbéciles perdus là par hasard et qui pensaient voir Pirates des Caraibes), intéressantes ou bouleversantes pour d'autres. On en ressort transformé, résolument différent.
Malick prend la mesure de sa mission: conter la trajectoire du monde - le microcosmique, le macrocosmique, le métaphysique, l'évolution de l'humanité, et la trajectoire existentielle de l'individu se répondent en une immense chorale aux atours kubrickiens.

Tout cela oui. Dans une lente maturation, comme une chrysalide en travail, le film déploie doucement ses gammes. Confinant à la symphonie, avec ses mouvements, ses interludes, ses pauses, ses envolées, le film soupèse la culture occidentale, le poids de l'héritage judéo-chrétien, et nous livre une vision gorgée de croire. Nos esprits français, bien plus athées, ou anticléricaux, y sentiront peut être de l'urticaire. Mais c'est avec le regard de celui qui se penche sur ses racines et sur sa culture qu'il nous faut contempler.

Car c'est un film sur l'homme et sa trajectoire, Mallick y tresse avec brio l'ensemble des strates symboliques qui composent notre humanité propre, individuelle : nos sentiments, nos transitions. Tout est bouleversant d'exactitude. La découverte de la liberté, le passage du miroir, l'amour filial et fraternel, la découverte de la jalousie, de la sensualité, de la rage, de la cruauté, la découverte de la conscience, de la mort, et le poids soudain très lourd du sens de l'existence. Il y aurait tant à en dire.

Sans cesse retourné par mille et unes dialectiques - la tension entre le père, la mère ; entre la nature et la grâce ; entre le croire et le doute ; entre l'amour, la rage... - le film se vit comme une immense carte à parcourir et nous bombarde comme jamais d'interrogations à portée des étoiles.

De nos vies suractives, arrachées des racines de la nature, comme détraquées, bouleversées et loin des rythmes intérieurs, on ressort du film en ayant retrouvé cette sensation d'harmonie, cette impression supérieure, ce chuchotement intérieur. On ressort apaisé, et plein de gratitude. Ou pas.





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