lundi 26 avril 2010

Richard Wright, Black Boy, naissance de la conscience Noire Américaine



Certains textes apparaissent et se posent dans le paysage de la littérature comme aucun autre avant eux ne l'a fait. Ils sont en eux-mêmes quelque chose d'anormal, quelque chose qui ne se faisait pas, quelque chose qui n'aurait pas dû être. Ils ouvrent la voie, leur existence est un défi. C'est en cela qu'ils comptent.

Né en 1908, Richard Wright n'est rien de moins qu'un enfant Noir Américain dans le Sud ségrégationniste et raciste. Richard Wright n'est pas l'écrivain qui vous donnera envie d'apprendre par cœur certains de ses passages. La portée purement littéraire de son texte est secondaire. Sa littérature est ailleurs. L'essentiel n'est pas tant dans ses mots que dans ce que leur émission représente. L'essentiel est dans le témoignage. Il grave là où rien n'était. Il dit ce qu'aucun raconte. Il est le premier Noir Américain à dire la condition Noire.


1945, Black Boy. Des mots donnent vie à cette Histoire détestable, si éloignée de nous, reléguée au manuel scolaire, aux devoirs d'écoliers. Il raconte un quotidien. Il pointe du doigt des fantômes nauséabonds. Ceux qui caressent encore nos sociétés.

Il y a d'abord la faim, intérieure, constante, une habitude.
Puis la violence.
Celle d'un milieu et d'une condition sociale interdite. Contre le Noir tout est permis, puisque le Noir n'est rien. Lui même s'estime trop peu. Le Blanc l'a brisé. D'abord donc, la violence familiale, crue, récurrente. Comme une leçon de vie qu'on inculque à la peau en prévision d'un lynchage forcément destiné. Et l'autre violence ensuite, la violence blanche. En filigrane, et puis omniprésente à mesure que l'enfant grandit. La violence comme partie inhérente de la vie ségréguée, battue, saignée, injuriée, meurtrie.

Richard Wright raconte. Un enfant en décalage avec le monde, en désaccord avec les règles tacites et acceptées par tous. Un enfant dans l'incompréhension et inadapté à sa condition, rétif à la programmation, questionnant la soumission, l'obéissance, les racines du racisme et de la haine. Le miroir est promené le long du chemin. L'injustice économique et sociale, l'oppression spirituelle, morale.
Richard Wright raconte. Des interrogations partout. Il décortique les mécanismes sociaux, les codes, les lois, les vermines qui rongent la culture noire elle-même. Une culture de paradoxes. Et entre deux une poésie de l'enfance comme un filet discret. Une envie de connaissance, l'école et le savoir comme combat. Une vie avec des mots, sans les définitions. Une curiosité vivace, profonde, existentielle. Une envie de comprendre.
Richard Wright raconte. Et la couleur de la peau comme une malédiction à conjurer.

***


Black Boy, 1945, première partie autobiographique d'une enfance dans le Sud ségrégationniste et raciste
Une Faim d'égalité, 1975, tableau sans indulgence des années 30, du quotidien d'un Noir dans une Amérique décimée par la crise économique de 1929, des idéaux politiques, l'écriture comme cri, la littérature comme chemin.



2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime la façon dont est exprimée l'idée: "Une vie avec des mots, sans les définitions".

Quelle oeuvre entre Black Boy et Une Faim d'égalité conseille le Comité pour 'découvrir' Wright?

La cuillere a dit…

Les deux sont assez indépendants. C'est un peu selon tes goûts... Bonne lecture, bonne découverte!